LE ROY BACQUEVILLE DE LA POTHERIE

HISTOIRE DE L'AMERIQUE SEPTENTRIONALE

Relation d'un séjour en Nouvelle-France

Avant-propos d'Yves Cazaux pour l'identification des tribus de la Nouvelle-France par Daniel Dubois. par Olivier Delavault

Cette édition, issue du corpus documentaire français du XVIIIème siècle est, comme beaucoup d'autres, une miraculée de l'oubli. L'ouvrage, repéré par Olivier Delavault dans les années 70 lors de manifestations de livres anciens rares et précieux, attira immédiatement l'attention du futur libraire spécialisé sur les Indiens. Inaccessible par le prix vertigineux, l'actuel fondateur de « Nuage rouge » le retrouva grâce au regretté Yves Cazaux, historien, écrivain sur les voyages allant des XVIème au XIXème siècles ; ce grand collectionneur érudit permit alors, pour le compte de la collection « Nuage rouge » qu'il connaissait déjà pour les ouvrages historiques qu'elle contenait, que l'ouvrage précieux puisse être saisi sur place dans sa demeure normande : les quatre tomes originaux ne devant point sortir, on le comprend. 'est ainsi que pendant plus d'une année, l'ouvrage fut « travaillé au corps » par Isabelle Zéo qui venait presque tous les jours saisir au mot, à la virgule près chaque ligne du livre. Quant à Olivier Delavault il demanda à Daniel Dubois, grand spécialiste de l'histoire indienne de la « découverte » à nos jours, renommé pour ses vastes connaissances en matière d'histoire, d'anthropologie sociale, religieuse et de linguistique, d'intervenir sur l'ouvrage. En effet, pour tout lecteur même bon connaisseur, il était quasiment impossible de pouvoir identifier les tribus sans avoir sous la main les documents originaux qui le permettaient mais aussi, sans avoir l'expérience de la lecture de ces documents. C'est pourquoi, aujourd'hui, après presque quatre cents ans, la réédition de cet unique document constitue un événement considérable dans l'histoire, non seulement des livres sur les Indiens, mais également dans l'histoire de l'édition française et internationale. Les interventions de M. Dubois - historien français les plus « courtisé » par les grands chercheurs et connaisseurs anglo-saxon et canadiens font de ce livre, comme pour celui de Hyde « Les Premiers peuples des Plaines » (devenu supérieur à l'original américain) un ouvrage unique.

Le Roy Bacqueville de La Potherie (1663 - 1736), officier au Canada puis à la Guadeloupe, est l'auteur de l'un des ouvrages les mieux informés sur la Nouvelle-France et les Indiens aux XVIIème et XVIIIème siècles. Cette Histoire de l'Amérique septentrionale compte, dans l'édition des récits de voyages, de mémoires, de relations, parmi les textes fondateurs pour ce qui concerne l'Amérique du Nord. Imprimé et publié pour la première fois en 1722, à Paris, chez Jean-Luc Nion et François Didot, cet ouvrage - très rare et fort recherché - ne fut réédité qu'une fois, en 1753, à Paris chez Brocas. C'est l'intégralité des quatre tomes qui composaient l'édition originale de 1722 qui est ici exhumée. sources de nombreux travaux canadiens et américains qui furent publiés dés le XIXème siècle et jusqu'à nos jours, les vieux écrits français, restés souvent enfouis voire oubliés chez nous, fournirent aux générations futures d'outre-Atlantique des informations capitales qui, lorsqu'elles réapparaissent dans les livres américains y apportent une richesse qui étonne le lecteur français, qu'il soit amateur, collectionneur, chercheur, universitaire. Souvent ces derniers ignorent que bien des éléments qui font l'originalité des textes américains, émanent des écrivains-voyageurs européens et notamment français. Dans les ouvrages publiés en France depuis le début du XXème siècle, et notamment dans ceux - depuis quelques décennies - traduits de l'américain, (ou inspirés avec la traduction de passages entiers reproduisant les anciens documents) on aboutit à une incompréhension totale des textes, à une culture erronée de l'ethno-histoire et de la linguistique. En effet, une fois traduites en français, beaucoup de données arrivent déformées, faussées car elles ont subi deux traductions. La première du français (ou de l'espagnol) à l'anglais et qui plus est pas toujours bien réussie, appréhendée ; la seconde, et là on atteint le pire, de l'anglais au français dans laquelle les éléments originaux des siècles passés sont devenus méconnaissables. L'ennui, c'est que - sauf quelques exceptions passionnées au flair et à l'intelligence aigus du véritable historien, comme le fut George E. Hyde, comme l'est Daniel Dubois - toutes les traductions qu'elles soient destinées au grand public ou à l'université sont approximatives voire complètement fausses car truffées d'erreur qui remettent en cause la juste interprétation du livre. ce qui concerne les anciens documents européens qui font toujours merveille dans l'exactitude, la rigueur et la neutralité, très peu d'auteurs américains insistent sur la citation de leurs sources, noyées en fin de volume dans les notes. Mais il y a des exceptions. Ainsi, Georges E. Hyde qui, dans le premier volume de son Histoire des Sioux (Editions du Rocher collection « Nuage rouge », 1994) fait mention dans le texte courant des travaux de de la Potherie à propos des Indiens crees : « Ce fut à peu près vers cette époque (1684), comme le rapporte de La Potherie, que les Crees, se déplaçant en canoës, commencèrent à chasser de plus en plus fréquemment les Sioux de leurs villages… ».

Si les auteurs anglo-saxons et canadiens ont souvent publié d'excellents documents en matière d'histoire et d'ethnologie sur les Indiens, c'est qu'ils surent donc avoir recours, quand il le fallait, aux écrits des Français datant de la fin du XVIIème et de tout le XVIIIème siècle. Et là réside un paradoxe : les auteurs français travaillent à partir de ces livres américains et ne vont que très rarement à la source originelle venant de… chez eux. Avec la publication de cet ouvrage, « Nuage rouge » honore ces écrivains-voyageurs, souvent hommes de qualité, cultivés, pratiquant la philosophie et les langues anciennes comme le grec et le latin. Depuis cette époque, l'ouvrage, de par son importance en matière d'histoire de la présence française en Amérique du Nord, et les observations rapportées sur les différents groupes indiens, fait toujours date. Ainsi la minutie avec laquelle nous est transmis le contenu des « Colliers » (Wampum), c'est-à-dire les discours, la parole indienne, en l'occurrence iroquoise, lors des grandes manoeuvres géostratégiques pour la Paix de 1701, satisfera les les lecteurs les plus exigeants. La rigueur des transcriptions systématiques de De La Potherie font de cet ouvrage un corpus documentaire inédit et unique dans le monde sur la question. Il nous révèle l'importance des sources manuscrites françaises tombées dans l'oubli là où leurs auteurs sont nés. l'origine, cet ouvrage était naturellement rédigé en français du début du XVIIIème siècle. Nous avons fait saisir le texte, TOUT le texte, afin d'avoir une rééditions intégrale. Point très important, nous avons légèrement modernisé la langue, sauf pour la graphie des noms propres, des lieux, des tribus indiennes aux orthographes innombrables. En revanche, nous n'avons apporté absolument AUCUNE modification à la syntaxe, à la ponctuation, aux lettres en majuscule qui aujourd'hui seraient, bien sûr, en minuscule. La pagination de l'édition de 1722 a également été conservée ; dans le cours du texte, les barres verticales placées avant et après un nombre indiquent la fin de chaque page de l'éditions originale. Quant aux quatre tomes réunis ici en deux volumes, le lecteur peut facilement se rendre compte de la tomaison originale puis nous avons voulu reproduire les pages de titres de chacun de ces tomes. sommaire général des Lettres des quatre tomes se trouve à la fin de ce volume avec une double pagination : celle de l'édition de 1722, entre deux barres verticales, et celle de 1997 en caractères gras. ce qui est des notes, celles de l'édition originale sont reproduites à la fin de chaque chapitre ou Lettre auxquels elles correspondent, signalées par des lettres en italiques ; celles de M. Daniel Dubois concernant l'identification des tribus sont toutes en bas de page.

Olivier Delavault


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© Olivier Delavault - Mars 2000.